27 Juin - 2020 | par Mathieu Laberge

Surf des neiges

Jasey-Jay Anderson, toujours persévérant à 45 ans

Nouvelle

Montréal, 27 juin 2020 (Sportcom) – Le 11 juin dernier, Canada Snowboard annonçait la composition de ses équipes nationales pour la saison 2020-2021. Parmi les athlètes retenus dans l’équipe alpine, on retrouve le nom de Jasey-Jay Anderson, âgé de 45 ans.

Depuis combien d’années est-il membre de l’équipe nationale ? « Je ne le sais pas. La structure a évolué, mais à 16 ans, j’ai gagné mon premier Championnat canadien », répond le principal intéressé, qui est devenu le premier Canadien à prendre part à six éditions des Jeux olympiques d’hiver en 2018.

Sportcom s’est entretenu avec deux hommes qui le connaissent bien afin de connaître le secret de sa longévité sportive : Christian Hrab, ancien membre de l’équipe nationale et ex-entraîneur et gestionnaire chez Canada Snowboard, ainsi que Brett Carpentier, double Olympien et ancien coéquipier de l’équipe canadienne.

S’inscrire dans la durée

« Quand nous avons commencé dans le snowboard, nous étions tous très jeunes. Le sport était jeune, il attirait les jeunes et ceux qui en faisaient à 45 ans, c’était des weirds », raconte en riant Christian Hrab, aujourd’hui à l’aube de la cinquantaine.

Jasey-Jay Anderson n’est pas un weird. Il est plutôt méticuleux et entêté, croit celui qui était entraîneur de l’équipe canadienne alpine aux Jeux olympiques de Salt Lake City en 2002.

« Sa première qualité, c’est certainement qu’il a une maudite tête dure et quand il est convaincu de quelque chose, il fonce, aucun obstacle n’est trop grand et rien n’est impossible à surmonter ! Il a une vision en tête et il y va. Je pense que c’est pour ça qu’il réussit à durer si longtemps. Sa deuxième qualité : il doit aimer ça, n’est-ce pas ? »

Le principal intéressé va en ce sens, mais de façon plus analytique.

« En fin de compte, pour persister dans le sport, il faut que tu aies une raison. C’est ce qui est le plus important. Quelqu’un qui n’a jamais assez d’argent, il ne sera jamais assez heureux, car il en voudra toujours plus. Ça peut devenir la même chose pour des victoires. Si c’est ta raison de faire du sport, ça peut être dur de continuer, car c’est sûr que dans ta carrière tu auras des hauts et des bas. »

Brett Carpentier reconnaît lui aussi la détermination du champion olympique des Jeux de Vancouver.

« Je ne suis pas surpris de le voir encore là. L’expérience compte pour beaucoup et ça, il l’a. Il sait sur quels points se concentrer pour réussir. Il va chercher des fractions de seconde un peu partout avec son équipement qu’il perfectionne. »

De Nagano à Vancouver

Le nom du Canadien Ross Rebagliati a marqué l’arrivée du surf des neiges au programme des Jeux olympiques de Nagano (1998), tant pour sa médaille d’or au slalom géant que pour son test antidopage positif à la marijuana (qui n’était pas une substance interdite.) Mais ce que l’on oublie de cette course, c’est que c’est Jasey-Jay Anderson qui était le meneur après la première manche.

« Jasey-Jay était de calibre pour gagner à Nagano, mais c’est 12 ans plus tard, à Vancouver, qu’il a gagné aux Olympiques. Ça, pour moi, c’est une plus grosse histoire qu’il fasse encore du snowboard à 45 ans, avance Christian Hrab. Sa meilleure performance, à part celle de Vancouver, c’est sa qualification pour l’équipe olympique canadienne de 2010. »

Hrab était alors administrateur chez Canada Snowboard et rappelle que la fédération avait statué qu’une victoire aux Championnats du monde de 2008 serait un laissez-passer olympique pour Vancouver.

« On appellait ça Win and you’re In. Je pense qu’il avait trouvé que c’était une bonne idée et boom, il a gagné ! Pour moi, cette performance a toujours bien illustré quel genre de personne qu’il était. »

En février 2010, dans la brume de Cypress Mountain, Anderson a arraché l’or olympique en comblant un retard de 0,76 seconde à sa dernière descente. Il est ensuite rentré dans ses terres pour se retirer de la compétition, mais pas pour longtemps. Et s’il revenait, c’était pour faire les choses à sa manière.

« J’avais trouvé ça drôle qu’il prenne sa retraite si rapidement après les Olympiques, car ça faisait 20 ans qu’il faisait du snowboard partout dans le monde 12 mois par année, se souvient Hrab. Il avait arrêté Cold Turkey. Quand il est revenu, c’est parce que ça lui manquait. »

La quête d’un snowboard rapide

« Je peakais souvent l’année après les Olympiques et je devais trouver la raison. Souvent, la raison était comprendre l’équipement, se remémore Anderson. J’ai réussi à timer l’équipement et les Jeux une fois dans ma vie et c’était en 2010. Avec le recul, j’ai été chanceux, car je n’aurais pas gagné si la course avait eu lieu une semaine avant. J’ai persévéré dans mes tests et c’est à la dernière journée d’entraînement que j’ai trouvé ce que je voulais. »

Dès lors, sa nouvelle motivation était de faire des tests et de la cueillette de données pour améliorer ses planches de fabrication artisanale, Jasey-Jay Snowboard.

« Quand il analyse quelque chose, même si certains pensent autrement, il va persévérer à sa façon », explique Brett Carpentier, neuvième en demi-lune à Nagano en 1998. « Il va les écouter et considérer (les opinions), mais il est assez original pour trouver ses idées, les développer et tenir à sa pensée. Et c’est ce qu’il a fait avec son équipement. Adapter son équipement, c’est une chose, mais partir de zéro et faire ses propres planches, fixations et plaques, c’est gros ! Il n’atteindra jamais la perfection, mais il doit être quand même satisfait de son équipement, car sinon, il aurait mis ça de côté. »

Jasey-Jay Anderson souligne l’importance de faire la différence entre détermination et obsession.

« La détermination, c’est quelqu’un qui est capable de se réajuster pour continuer à être persévérant. L’obsession, c’est quand on amène ça trop loin et que c’est juste ça qui existe. Répéter les mêmes erreurs c’est le signe d’être juste obsédé par son sport sans bien analyser ce qui se passe. Un persévérant va passer à travers les phases creuses pour se réinventer et persévérer. Dans un sport comme ça, tu ne peux pas atteindre la perfection. Tout ce que tu peux faire, c’est t’améliorer et d’y arriver le plus près. Je ne cherche pas la perfection. Ce que je cherche, c’est de répondre aux questions. »

Brett Carpentier rit lorsqu’on lui demande jusqu’à quel âge il voit Jasey-Jay Anderson dans l’équipe nationale.

« Les Championnats du monde sont présentés tous les deux ans. S’il met l’accent sur cette compétition, il n’est pas obligé d’en faire 20 dans l’année pour s’assurer de performer aux mondiaux. J’imagine qu’il pourrait faire ça pour encore quelques années s’il reste en forme et qu’il évite les blessures. »

L’Autrichienne Claudia Riegler a remporté une Coupe du monde de surf des neiges à l’âge de 45 ans, en janvier 2019. À voir si Anderson tentera de la déloger du titre de vainqueur le plus âgé en Coupe du monde la saison prochaine.

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