« La possibilité d’une médaille était là » – Laurence Beauregard, cinquième
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Montréal, 17 septembre 2020 (Sportcom) – Capteurs de puissance, cardiofréquencemètres, algorithmes et intelligence artificielle. Toutes ces technologies accompagnent désormais les cyclistes de haut niveau comme Hugo Houle qui prennent part au Tour de France.
L’analyse de données est devenue incontournable pour les équipes sportives professionnelles et le cyclisme n’y échappe pas. Afin de voir comment l’entraînement, l’effort déployé en course et la récupération peuvent être planifiés, Sportcom s’est entretenu avec le physiologiste cardiovasculaire Claude Lajoie, Ph. D., du Laboratoire de technologies et d’innovation pour la performance sportive (L-TIPS) de l'Université du Québec à Trois-Rivières.
Savoir bien jauger le réservoir
L’arrivée du capteur de puissance dans le monde du cyclisme il y a une vingtaine d’années a révolutionné la science de l’entraînement qui peut maintenant quantifier précisément les efforts des cyclistes en nombre de watts.
Avec la mesure de la puissance critique, c’est-à-dire combien de watts l’athlète peut maintenir sans puiser dans ses réserves anaérobiques, les outils permettent de savoir précisément à quel moment il se met dans le rouge.
Le scientifique utilise l’image d’une cartouche pour simplifier cette explication.
« Tout ce qui est au-dessus du seuil lactique, ce sont des cartouches à dépenser. Pour faire une course d’un jour comme Paris-Roubaix ou une étape du Tour de France, le cycliste doit dépenser 40 fois cette valeur-là. Les coureurs pigent dans leur réserve et ils la rebâtissent (pendant l’épreuve). Et c’est ce que le commun des mortels a de la difficulté à faire après cinq heures de course. »
Après avoir fait passer une batterie de tests aux athlètes afin de bien connaître leurs capacités physiques, les spécialistes peuvent faire en sorte que le pourcentage des cartouches restantes soit affiché sur le cyclomètre du cycliste pendant son épreuve. Ce pourcentage variera selon l’effort consenti ou le temps de repos pris pendant l’épreuve.
« Les coureurs ont à peu près tous la même puissance aérobie maximale (PAM), mais ils n’ont pas tous la même puissance critique. »
Si un cycliste peut tenir le coup dans une échappée qui se rend jusqu’au sprint final, celui qui aura plus de cartouches en réserve aura un avantage indéniable.
Les grosses dépenses, pas toujours pour la victoire
Depuis le début du Tour de France, Hugo Houle a pour mission d’épauler le leader de son équipe Astana, Miguel Angel Lopez, qui est troisième au classement provisoire. Le cycliste de Sainte-Perpétue l’a protégé du vent, lui a apporté des bidons, l’a ramené dans le peloton après des coups de bordure ou après avoir été pris derrière des chutes. Ces efforts ne se traduisent pas concrètement au classement, mais ils sont tout de même importants, constate M. Lajoie, qui voit dans ceux-ci des dépenses énergétiques comparables à celles qui sont dépensées si Houle avait été dans une échappée.
« Pour protéger un leader d’équipe, il faut en brûler des cartouches à prendre le vent. Il n’est pas en mode économie pour son leader qui, lui, doit en brûler le moins possible », poursuit celui qui a eu l’occasion de tester le Québécois dans son laboratoire à quelques occasions au cours des dernières années.
Hugo Houle n’a pas été en échappée jusqu’à maintenant au Tour, sauf qu’il a su résister aux attaques d’un des meilleurs puncheurs du peloton, le Français Julian Alaphilippe (Deceuninck–Quick Step), lorsque celui-ci a tenté de prendre la fuite à la fin de la 12e étape.
Le contre-la-montre décortiqué
Le seul contre-la-montre du Tour de France aura lieu samedi : 36,2 kilomètres, dont une ascension vers la Planche des Belles Filles, une montée de 5,9 kilomètres à une pente moyenne de 8,5%.
Dans cet environnement beaucoup plus contrôlé qu’une course en peloton, les algorithmes de planification de la performance tiendront compte de différents paramètres : météo, direction des vents, traînée aérodynamique, spécifications du parcours et bien entendu, de ceux de l’athlète pour que celui-ci gère son effort de la façon la plus précise possible.
« Presque en temps réel, on peut faire en sorte que le cycliste termine le parcours sans cartouche en réserve, avec une marge d’erreur, bien sûr. […] Il y aura des stratégies de dépenses énergétiques qui ne seront pas égales de la première à la dernière minute, mais ce sera plutôt adapté selon le terrain », explique le scientifique dont le laboratoire a collaboré avec l’équipe française Arkea-Samsic.
Avec toutes ces données et les percées de l’intelligence artificielle à venir, est-ce que les courses cyclistes s’annoncent comme des épreuves téléguidées, comme le déplorent déjà certains, avec les directeurs sportifs qui donnent des consignes dans les oreillettes depuis les voitures d’équipe ? Est-ce que l’instinct de la course est encore présent ?
Claude Lajoie répond par l’affirmative. « Oui, car ce n’est pas écrit dans le livre (ce qui arrivera) avant de partir. »
Et si le corps d’un athlète tient le coup, la victoire ne lui sera pas acquise pour autant, car l’aspect mental et la tactique de course seront eux aussi des éléments qui entreront dans l’équation de la victoire.
Deux choses que les algorithmes ne peuvent pas calculer… pour le moment.
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