15 Jan - 2025 | par Mathieu Laberge

Ski acrobatique – Coupe du monde

Marion Thénault dans les hautes sphères

Nouvelle

Photo: Mateusz Kielpinski / FIS Freestyle

Montréal, 15 janvier 2025 (Sportcom) – Elle est médaillée de bronze olympique, étudiante en génie aérospatial et aussi une des rares athlètes à poser des gestes concrets pour réduire l’empreinte carbone de ses nombreux déplacements. La skieuse acrobatique spécialiste des sauts Marion Thénault a répondu aux questions de Sportcom, l’automne dernier, après une séance d’entraînement sur trampoline au PEPS de l’Université Laval.

En cette fin octobre, Thénault avait un agenda digne d’une première ministre qui pourrait lui donner le tournis, à l’image de ses manœuvres aériennes : études, entraînement, participation à un congrès aéronautique à l’étranger et rencontres avec ses commanditaires. Sérieuse dans tous ses engagements, elle ne se prend toutefois pas au sérieux comme l’ont bien démontré ses nombreux éclats de rire qui ont ponctué l’entrevue.

Portrait d’une des athlètes les plus complètes de la scène olympique canadienne qui sera de la première Coupe du monde de la saison, samedi, à Lake Placid, dans l’État de New York.

Choc à Ruka

Le 4 décembre 2023, à Ruka, en Finlande, au lendemain de sa victoire à la première Coupe du monde de la campagne 2023-2024, Thénault chute à l’entraînement. Un accident qui a laissé des traces, au sens propre comme au sens figuré.

« J’ai été fonctionnelle rapidement, mais j’ai quand même eu des douleurs pendant longtemps. Là, ça fait quelques semaines que je n’en ai plus et c’est grâce à mon équipe qui m’a aidée à me guider là-dedans. Et mentalement, je vais t’en reparler quand je vais sauter sur la neige », lance la skieuse en s’esclaffant.

La Sherbrookoise est retournée sauter à Ruka en décembre dernier, non sans crainte. Aux deux Coupes d’Europe disputées à cet endroit, elle a décroché une deuxième et une vingtième place.

Si elle en rit aujourd’hui, ce n’était pas le cas au printemps dernier. Deux mois après sa chute, Thénault est revenue à la compétition. En quatre Coupes du monde, elle a obtenu une médaille d’or et une de bronze. La courbe de progression de sa santé physique a tout de même été plus rapide que celle de sa confiance et, au final, c’est sa motivation et son plaisir de sauter qui en ont subi les contrecoups.

« Mentalement, la saison dernière a été extrêmement difficile. […] J’avais hâte que ça finisse », avoue la médaillée de bronze de la compétition par équipe des Jeux olympiques de Pékin.

Les choses sont différentes cette année. L’athlète veut enfin mettre la main sur le globe de cristal remis à la championne du classement cumulatif de la Coupe du monde, honneur qui lui glisse entre les doigts depuis trois ans. Pour remédier à la situation, elle a mis les bouchées triples.

La triple, c’est aussi le surnom du plus gros tremplin où les athlètes peuvent réaliser trois sauts périlleux. Un défi tant mental que physique qui lui permettrait de se démarquer de la compétition.

« Il n’y a pas beaucoup de femmes qui font ce choix-là et j’ai décidé de faire la triple pour être dominante et potentiellement gagner les Jeux (olympiques de 2026). Ça prend de la perspective et une certaine maturité pour faire des sauts qui sont aussi dangereux. Et je pense que l’accident m’a donné beaucoup de perspective et moins de naïveté. Pas que j’étais naïve, mais disons que je le suis moins. »

« Adaptation » sera le mot-clé de sa saison pour réussir des sauts sur le tremplin triple, monter sur le podium aux mondiaux d’Engadin, en Suisse, et aussi possiblement assurer sa place pour ses deuxièmes Jeux olympiques dès cet hiver.

« Il faut que je sois intelligente dans mon entraînement et je ne peux pas juste pousser au max. Il faut que je sois reposée, dans de bonnes dispositions et que les conditions soient bonnes pour que j’aille me risquer à faire ces sauts-là. Je ne peux pas juste improviser parce que ça me tente. »

L’adaptation, elle s’y connaît, car elle est passée de gymnaste artistique de haut niveau à débutante en ski acrobatique à l’âge de 17 ans. À sa première compétition provinciale, son entraîneur Rémi Bélanger l’avait obligée à faire des sauts simples pendant que des compétitrices de 12 ou 13 ans effectuaient des manœuvres plus complexes. Un coup difficile à encaisser pour celle qui se faisait devancer par des préados habituées à avoir des skis aux pieds.

« Rémi et moi, on en rit beaucoup de cet épisode-là, parce que mon égo a vraiment pris une grosse claque cette journée-là ! Et j’ai appris que quand je suis capable de mettre mon égo de côté, de travailler sur la base et les petits détails qui vont faire en sorte que le saut à long terme va être beau, c’est là que je m’améliore le plus. En sortant de la gymnastique, je voulais vraiment avoir cette image de la Marion qui était parfaite et tout le temps la meilleure. Mais tu ne peux pas toujours t’améliorer quand tu veux être parfaite. Il faut que tu acceptes de faire des erreurs et de ne pas trop savoir ce que tu fais. »

Encore en orbite, mais différemment

Attendre les meilleures conditions avant de décoller. Cela s’apparente aussi au lancement d’une fusée dans l’espace. Marion Thénault est aussi étudiante en génie aérospatial à l’Université Concordia et quand elle parle de ce sujet, son enthousiasme est le même que lorsqu’elle discute de sa carrière d’athlète. Si elle souligne qu’elle veut cultiver d’autres sphères d’intérêts, elle concède qu’elle n’est pas du genre à faire les choses à moitié.

Pour preuve, en octobre dernier, elle a participé à un congrès international d’astronautique à Milan où elle a présenté un projet à propos du bras canadien en compagnie d’autres étudiants. Celle qui est aussi stagiaire chez CAE, une compagnie de simulateurs de vols, cumule les données de ses déplacements pour vérifier si le calendrier de compétition est optimal afin de limiter son empreinte carbone. Elle épaule aussi le comité organisateur de la Coupe du monde de Lac-Beauport à minimiser son empreinte écologique. Ses actions lui ont d’ailleurs valu une nomination au prix Action climat 2024 remis par le Comité international olympique.

« Les athlètes d’hiver, on est tellement présents (à l’extérieur) et on voit l’impact en Coupe du monde, où les conditions sont de pire en pire et où on a de moins en moins d’événements. La montagne, c’est mon bureau et tous les matins, je le vois, alors c’est plus difficile de se fermer les yeux et de dire qu’il ne se passe rien. »

Si Marion Thénault a la chance de s’épanouir dans différentes sphères, c’est en grande partie grâce à ses entraîneurs Jeff Bean et Rémi Bélanger. Et elle leur en est pleinement reconnaissante.

« Mes coachs sont tellement ouverts ! Ils pourraient dire : “Non, tu fais juste du ski et tu es un espoir de médaille olympique, alors on va vraiment juste te laisser faire ton entraînement.” Moi, je ne serais pas heureuse là-dedans. Je sais que j’ai besoin d’autre chose. »

En fin d’entretien, on ne peut s’empêcher de lui demander si un jour, elle compte aller dans l’espace.

« Non, mais tout le monde me dit ça ! » lance la skieuse, qui poursuit avec enthousiasme pourquoi elle se passionne pour la découverte scientifique, le travail des astromobiles (Rovers) ou les données satellitaires utiles dans l’analyse des phénomènes climatiques.

« Ce milieu-là m’intéresse et il y a mille et une choses que je pourrais faire, mais le projet n’est pas d’aller dans l’espace. J’ai peur des ascenseurs, je suis claustrophobe et je n’en ai pas envie. »

Gros éclat de rire.

« Mais tout le monde me dit que je vais changer d’idée ! »

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