2 Déc - 2021 | par Mathieu Laberge

Judo

Antoine Valois-Fortier: à la croisée des tatamis

Nouvelle

Rafal Burza

Montréal, 2 décembre 2021 (Sportcom) – Au cours de ses 12 années dans l’équipe canadienne de judo, Antoine Valois-Fortier a toujours fait preuve d’honnêteté lorsqu’est venu le temps de commenter ses combats, bons ou mauvais. Et c’est de cette même façon qu’il a fait le choix de mettre un terme à sa carrière d’athlète, à l’âge de 31 ans, estimant qu’il ne pourrait plus être à la hauteur de ses aspirations.

« Je n’étais pas capable de me regarder dans le miroir et de me dire que je serais en mesure d’être champion du monde ou champion olympique dans les trois prochaines années, tant d’un point de vue mental que d’un point de vue physique », explique-t-il, ajoutant que cette décision est la suite logique des choses.

Continuer obstinément serait une « menterie » à ses yeux.

« J’étais extrêmement bien entouré, tant avec l’équipe de Judo Canada, mes partenaires d’entraînement, l’équipe de B2Dix, Caro (sa conjointe) et ma famille. Dans un sport individuel, on ne parle que de l’athlète, mais il y a toute une armée autour de ces gens-là et j’en avais une particulièrement hot. »

Il confirme à Sportcom que la retraite sportive n’était pas dans ses plans lorsqu’il a pris part à ses troisièmes Jeux olympiques, l’été dernier, à Tokyo. Il voulait savoir comment il se sentirait après l’événement et à quoi ressemblerait le calendrier des compétitions internationales avant de faire son choix. Trois critères seraient déterminants pour lui dans sa décision : être motivé, performant et en santé.

« Tranquillement, les semaines ont passé et on a recommencé à parler du calendrier, de l’entraînement et ça ne m’intéressait pas plus que ça », laisse-t-il tomber avec un sourire gêné, ajoutant qu’il était plus difficile pour lui de rester en santé et de respecter sa limite de poids.

La garde d’Antoine Valois-Fortier était bonne lorsqu’il combattait sur les tatamis. Elle l’est aussi en entrevue quand vient le temps d’évoquer des sujets plus personnels. Plus par pudeur ou par un désir de ne pas jouer à la vedette. Lorsqu’on lui demande s’il était dur envers lui-même, on sent sa timidité dans sa réponse.

« Oui, peut-être un peu. Mais je pense que ça m’a servi dans certains moments, alors que dans d’autres, je l’ai peut-être été un petit peu trop. »

Cela lui a été utile dans les années qui ont suivi son immense déception des Jeux de Rio, une période au cours de laquelle il a aussi subi deux opérations : une à une hanche, puis une autre au dos, seulement un an et demi plus tard, ce qui l’a exclu des tatamis pendant huit mois.

« J’ai repris la compétition en février 2019 avec une performance pitoyable. Plusieurs personnes se disaient que c’était peut-être la fin (pour moi). Et en août suivant, je faisais une médaille de bronze aux Championnats du monde. […] Alors de m’être fait confiance et de leur avoir prouvé que j’étais encore capable, j’étais particulièrement fier de ça. »

Son entraîneur, ami et mentor Nicolas Gill le confirme : « C’était assez extraordinaire. C’est peut-être ce qui représente le mieux son parcours en tant qu’athlète. »

Pour l’équipe et avec l’équipe

Au sommet du palmarès sportif d’Antoine Valois-Fortier on retrouve une médaille de bronze olympique (2012), une médaille d’argent (2014) et deux de bronze (2015 et 2019) aux Championnats du monde. Ce qui est absent de cette liste et qui se trouve plus haut, c’est le souffle d’inspiration qu’il a procuré à ses coéquipiers de l’équipe nationale. Leur réaction après qu’il eut assuré sa place sur le podium olympique à Londres est encore bien gravée dans sa mémoire.

Photo: Rafal Burza

« De voir cette joie-là chez les autres qui vivaient ce moment-là avec une intensité aussi grande que la mienne, c’est probablement le plus beau souvenir que j’ai de ces Jeux-là ! Ça m’a vraiment touché. J’ai envie de faire vivre ça aux autres. »

C’est d’ailleurs exactement ce qu’il a fait après son élimination hâtive aux Jeux olympiques de Tokyo. Ce même jour, il est demeuré dans les estrades dégarnies du Budokan de Tokyo pour encourager sa coéquipière Catherine Beauchemin-Pinard à obtenir une médaille de bronze chez les moins de 63 kg.

Au terme de cette journée, son préparateur physique pendant près d’une dizaine d’année, Scott Livingston, avait qualifié le triple Olympien d’« être humain spécial » dans la page Instagram du judoka.

« C’est un des athlètes les plus professionnels avec qui j’ai travaillé. Il est gentil, intelligent et il fait tout ce qu’il doit faire pour gagner. C’est une personne qui est plus qu’un athlète », précise Livingston en entrevue à Sportcom en rappelant que la chirurgie au dos subie par le judoka ne garantissait pas qu’il revienne à la compétition en pleine santé. « Il a fait tout ce qu’il fallait pour avoir le meilleur résultat. Il a tous les outils pour devenir un bon coach. »

« C’est ça qui est génial et c’est ce dont je suis le plus content ! » renchéri le nouveau retraité. « Oui, il y a l’athlète et les résultats, mais au-delà de tout ça, si je peux avoir marqué les gens qui se disent : « c’était toujours un peu plus le fun quand Antoine faisait partie du voyage ou de l’entraînement », pour moi, c’est ce qui est le plus important et de loin. C’est ce que je retiens le plus, même si je n’ai jamais atteint mon objectif d’être champion du monde ou champion olympique. »

Le temps de redonner

Un athlète de haut niveau qui prend sa retraite vit une cassure. Une transition brusque pendant laquelle il doit apprivoiser une routine où il n’est plus le centre d’attention.

En voie d’obtenir son niveau 4 du Programme national de certification des entraîneurs (PNCE), Antoine Valois-Fortier deviendra entraîneur et sa tâche première sera de penser aux autres. Il a déjà vécu des premiers tournois dans ce rôle et cela l’a confirmé dans son nouvel emploi. Sa nouvelle vocation, pourrions-nous préciser.

« L’objectif, c’est de leur transmettre ce goût de gagner », poursuit celui qui occupera désormais le poste d’entraîneur-chef de l’équipe canadienne, visiblement passionné par son nouveau métier.

Encore une fois, il suit les traces de Nicolas Gill.

« Ce sont deux univers complètement différents et il y a peu de personnes qui ont les atouts pour réussir dans les deux secteurs », croit Gill, directeur général et directeur haute performance de Judo Canada. « Ça nécessite des qualités excessivement différentes et j’ai toujours cru qu’Antoine avait ce qu’il faut pour faire les deux. C’était donc tout naturel pour nous de lui donner la possibilité de poursuivre le travail qu’il a amorcé en tant qu’athlète, mais cette fois-ci comme entraîneur. »

« C’est indéniable que Nicolas a eu une super grosse influence sur moi, tant sur le plan du sport, mais encore bien plus sur le plan humain, ajoute Valois-Fortier. Mais de manière générale, nous sommes juste deux personnes qui se rejoignent beaucoup dans nos objectifs. Nous avons des points de repère communs, mais au-delà de ça, nous avons les mêmes valeurs. (Même) si ce n’était pas du judo, je pourrais très bien être ami avec Nicolas. »

Devenir entraîneur, c’est faire un don de soi. Mais il y a un don de soi encore plus fort que vivra Antoine Valois-Fortier l’hiver prochain, lorsque sa conjointe et lui célébreront l’arrivée de leur premier enfant.

« Devenir papa en février, ce sera un défi complètement différent », dit-il avec un rire gêné en visioconférence pendant qu’on devine que sa copine l’observe derrière son écran. « Là, toute mon expérience ne voudra absolument rien dire, mais pour vrai, je suis très excité et j’ai vraiment hâte de rencontrer cette petite bibitte-là ! »

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