17 Juin - 2025 | par Mathieu Laberge

Athlétisme

L’entraînement, quelque part entre une science et un art

Nouvelle

Athlétisme Québec

Montréal, 17 juin 2025 (Sportcom) – La planification de l’entraînement a beau se peaufiner au fil des ans grâce aux percées scientifiques, elle n’offre aucune garantie de résultats aux athlètes et entraîneurs de haut niveau. Comme un équilibriste qui marche sur un fil de fer, l’athlète doit se préparer sans être sous-entraîné ou surentraîné.

Et la personne la mieux placée pour l’aider à conserver cet équilibre, c’est son entraîneur.

« Quelque part entre une science et un art »

Entraîneur en athlétisme spécialisé aux épreuves de fond et de demi-fond depuis plus de 15 ans, Félix-Antoine Lapointe a le recul nécessaire pour évaluer les bons et les mauvais coups obtenus avec ses athlètes. Trois parmi eux, Charles-Philibert-Thiboutot, Jean-Simon Desgagnés et Thomas Fafard, ont participé aux Jeux olympiques de Paris l’été dernier.

L’entraîneur-chef des équipes du Québec a répondu aux questions de Sportcom au retour d’un camp préparatoire à Flagstaff, en Arizona, en prévision de la campagne 2025. Après une carrière d’athlète au niveau national et provincial junior, Félix-Antoine Lapointe a fait ses études à l’Université Laval, a commencé dans le métier en 2008, pour ensuite l’exercer à plein temps trois ans plus tard.

« Le coaching de haut niveau en athlétisme, comme dans les autres sports, c’est quelque part entre une science et un art. On ne peut pas juste appliquer une recette scientifique qu’on apprend dans un livre et espérer avoir des résultats. Il faut se baser sur des concepts scientifiques et avoir des connaissances, mais il y a une partie où l’on développe sa propre recette sur le terrain. J’aime bien m’inspirer des bonnes pratiques et voir s’il y a des constantes entre ce que font la plupart des meilleurs athlètes de haut niveau et les coachs font. »

« Comment on va mettre les bonnes épices et les petits détails pour que la recette soit parfaitement à point ? Et ce n’est pas parce qu’on a du succès une année ou à une course que ça va tout le temps marcher. Ce qui me passionne dans ce domaine-là, c’est d’être la meilleure version de soi-même comme coach et comme athlète et ne jamais se satisfaire d’un succès, car ce n’est pas garanti que ça va se répéter. »

-Félix-Antoine Lapointe

Le monde du sport de haut niveau est constamment à l’affût des récentes données scientifiques et des nouvelles tendances. L’effet de mode est parfois bien réel, mais il ne faut pas non plus rater le train des percées scientifiques qui passeront le test du temps. Comment faire la part des choses alors ?

« Il ne faut pas faire de changements drastiques au programme d’entraînement, mais plutôt essayer à petites doses », poursuit l’entraîneur, qui cite en exemple l’entraînement spécifique et intense de la vedette norvégienne du demi-fond, Jakob Ingebrigtsen. Si le double champion olympique et double champion du monde peut encaisser une grande charge d’entraînement où tous les paramètres sont mesurés, ce n’est pas le cas de tous les athlètes. Certains peuvent rapidement tomber en surentraînement.

« Là, il y a eu une mode où tout le monde a essayé de le copier. Et depuis, il y a plus d’athlètes qui se blessent ou qui s’épuisent. […] Il faut donc prendre ça avec un grain de sel et se poser la question : est-ce que c’est bon pour mes athlètes ? »

Communication et collaboration

Afin de savoir ce qui est bon pour ses athlètes, Félix-Antoine Lapointe le fait en collaboration avec eux. L’apprentissage de son métier d’entraîneur s’est fait en parallèle avec la carrière sportive de Charles Philibert-Thiboutot, avec qui il collabore depuis 2010. Le coureur de Québec a été propulsé sur la scène internationale avant les Jeux de Rio, en 2016. Il a ensuite été ralenti par les blessures pendant une longue période. L’athlète a raté de peu sa place aux Jeux de Tokyo et des doutes sont apparus dans l’esprit de l’entraîneur au cours de cette période, sauf que la confiance entre lui et son protégé est restée.

« Je suis capable de l’admettre : par moments, il y a eu de l’essai-erreur parce qu’on n’atteignait pas pleinement les objectifs que l’on voulait. Il y a eu des moments où on s’est peut-être trompés, mais nous avons toujours gardé la tête haute en se disant que ce n’est pas parce qu’on venait de vivre une déception ou une blessure qu’on allait abdiquer. On était à quelques détails près de trouver une formule qui allait lui permettre d’être compétitif sur la scène internationale. »

L’entraîneur utilise le pronom « on » dans son propos. Pas seulement par familiarité, mais aussi parce que les décisions sont prises d’un commun accord.

« Autant dans les bons coups que dans les mauvais, il faut être capable de dire que c’est un travail d’équipe coach-athlète. […] J’aime mieux prendre des risques calculés et bien mesurés, mais il faut accepter que des fois, on va se tromper. Comme coach, on essaie toujours de s’améliorer et je ne veux pas me dire que si j’ai eu du succès avec mon approche, je ne me requestionne pas. »

Le temps aura finalement donné raison au duo. Charles Philibert-Thiboutot a su revenir en force pour vivre sa deuxième expérience olympique, huit ans plus tard. Il a enchaîné les marques personnelles à plusieurs distances, dont le record canadien du 10 kilomètres sur route, pas plus tard qu’en mai dernier, alors qu’il prendra sa retraite sportive à la fin de l’année.

« C’est sûr que les apprentissages que j’ai faits avec Charles dans les 13-14 dernières années m’aident à être un meilleur coach aujourd’hui et aident les athlètes de la prochaine génération », précise l’entraîneur.

« C’est le fun de sentir qu’on ne travaille pas avec des robots, mais avec des humains qui sont investis dans leur cheminement. »

-Félix-Antoine Lapointe

Un de ces apprentissages, c’est l’adaptation de l’entraînement de Jean-Simon Desgagnés lors de ses stages d’étude en médecine, l’automne dernier.

« S’il finissait à l’hôpital en soirée, qu’il a travaillé deux heures plus tard que prévu après un stage de 13 heures et qu’il est épuisé, on ne se rejoint pas à la piste. Je lui dis d’aller faire un jogging à basse intensité de 8 kilomètres et on s’adapte. De sentir qu’en équipe, nous prenons les décisions qui sont bonnes pour lui, ça fait en sorte que cet athlète croit au programme que l’on bâtit ensemble. Il ne le remet pas toujours en question et il sent que son coach est à l’écoute pour lui. »

Jean-Simon Desgagnés a eu l’occasion d’en discuter avec un autre coureur supervisé par son entraîneur, Philippe Morneau-Cartier, double champion canadien universitaire en cross-country et lui aussi étudiant-athlète en médecine à l’Université Laval.

Si le jeune athlète veut lui aussi poursuivre une carrière de haut niveau, son entraîneur aura déjà les ingrédients de base pour lui personnaliser une recette.

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