29 Oct - 2019 | par Mathieu Laberge

Biathlon – Saison 2019-2020

Jules Burnotte : L’athlète qui détonne

Nouvelle

Montréal, 29 octobre 2019 (Sportcom) – Il cite « L’Avalée des avalés » de Réjean Ducharme comme son livre préféré et « Les Bourgeois » de Jacques Brel comme chanson d’avant course favorite. En septembre dernier, il a fait le trajet Sherbrooke-Montréal à vélo pour participer à la marche pour le climat. Non, ceci n’est pas le profil d’un étudiant en théâtre ou en sciences de l’environnement, mais bien de Jules Burnotte, biathlète de l’équipe nationale et probablement un des athlètes les plus politisés au pays.

Jules au pays de l’or noir

En entrevue depuis Canmore (Alberta), où il s’entraîne sur neige depuis une semaine, Jules Burnotte fait un peu figure d’extra-terrestre dans l’équipe nationale. Politisé, il a fait le choix de ne pas postuler pour un programme de bourses commandité par une compagnie pétrolière. Il est aussi conscient que ses vêtements de sport ont été fabriqués au Bangladesh.

« Je suis prêt à faire face à la critique et je suis tout le temps en réflexion par rapport à ça. Et ça m’alimente pas mal l’esprit », lance-t-il.

Il alimente aussi les discussions avec ses coéquipiers de l’équipe nationale, qui sont majoritairement albertains, et qui ont des visions différentes face aux questions énergétiques ou des armes à feu.

« On en jase des fois. Ce n’est pas doux, mais ce n’est pas grave! » explique l’athlète en riant. « Je suis avec des collègues qui sont commandités par des compagnies de pétrole et c’est quelque chose de super important pour l’économie albertaine. Ça me répugne un peu, mais il y a moyen d’être fin là-dedans, même si c’est parfois délicat. »

La réalité rejoint toutefois l’athlète qui doit voyager en Europe et dans l’Ouest canadien pour participer à des compétitions internationales qui sont commanditées par un manufacturier automobile, à son grand déplaisir d’ailleurs.

Le Sherbrookois a fait part de ses préoccupations à Biathlon Canada afin qu’elle compense la pollution engendrée par les nombreux déplacements de ses membres ou qu’une compagnie commandite l’achat de crédits carbone pour l’équipe.

« Je n’ai pas eu de retour ni mis beaucoup d’énergie là-dedans. Ce serait bien de parler aux bonnes personnes, mais pour ça, il me faut une crédibilité avant et je suis en train de la gagner. Ensuite, je verrai si ça peut aboutir à quelque chose. »

La carabine comme outil de travail

L’autre aspect où Jules Burnotte détonne de ses coéquipiers, c’est son rapport aux armes à feu.

« Ça me fait quelque chose de dire que la moitié de ma job, c’est de skier et que l’autre, c’est de tirer du gun. Des gens avec qui je me tiens, beaucoup sont commandités par la NRA (National Riffle Association), mais je suis pour le registre des armes à feu. »

L’athlète de 22 ans veut que l’on connaisse ses opinions sans tomber dans la partisanerie.

« Ce n’est pas parce que je suis un athlète que je dois me fermer à ce que je crois. On nous dit que nous (les athlètes) sommes des ambassadeurs et que l’on représente notre nation et nos valeurs. En étant moi-même, je suis un ambassadeur. En m’affichant fièrement pour l’environnement, je représente aussi les personnes qui ont cette valeur. »

Sur la touche

Jules Burnotte a connu des débuts fulgurants en Coupe du monde l’an dernier, décrochant au passage deux places dans le top-35 aux étapes de Nove Mesto, en République tchèque. Cet élan a été ralenti par une commotion cérébrale survenue plus tard en saison. En juin, Burnotte chutait à l’entraînement en ski à roulettes et subissait une deuxième commotion.

« J’ai roulé sur une cocotte sur la piste cyclable et suis tombé sur le menton. Ça fait trois semaines que je suis de retour à 100 % à l’entraînement, mais jusque-là, c’était rough un peu », mentionne-t-il, en avouant du même souffle avoir terminé sa convalescence trop rapidement avant de faire un retour plus progressif.

« J’ai appris de ça et j’ai été pas mal plus sage », poursuit celui qui a recommencé à suivre des cours à distance après avoir mis en veilleuse ses études en enseignement de l’éducation physique et à la santé à l’Université de Sherbrooke.

Objectif Coupe du monde

La fin de semaine prochaine à Canmore, Burnotte tentera de mettre la main sur un des deux billets encore disponibles dans l’équipe canadienne masculine qui s’élancera en Coupe du monde à la fin novembre, en Norvège. Les frères Christian et Scott Gow sont les Canadiens déjà qualifiés.

Burnotte sera la principale tête d’affiche québécoise après le départ de Léo Grandbois, qui a rangé sa carabine pour désormais se consacrer au ski de fond au Centre national d’entraînement Pierre-Harvey. Grandbois avait mentionné la difficulté de s’entraîner seul pour expliquer son changement de sport. Burnotte, lui, se sent bien à l’aise de souvent s’entraîner en solo.

« Ma recette a toujours été un peu plus individuelle, en plus de m’entraîner avec l’équipe de cross-country (NDLR : en athlétisme à l’Université de Sherbrooke). Je suis capable de m’entraîner seul et ce n’est pas un problème pour moi », explique celui qui a ponctué son entraînement estival de camps préparatoires au Vermont, dont un avec l’équipe nationale américaine.

Cela n’empêche pas qu’il aime s’entraîner avec ses coéquipiers de l’équipe nationale, mais la lassitude s’installe après trois semaines. « Je suis capable d’être à 100% dans l’entraînement pendant un petit bout, mais rapidement, ça me prend autre chose comme l’école ou des gens qui ne sont pas dans le milieu du sport. Je suis en train de trouver cet équilibre. »

Pour l’instant, la fédération nationale lui offre cette marge de manœuvre et Burnotte compte bien en profiter pour continuer à être lui-même tant dans son sport que dans ses convictions personnelles.

 

Vous pourriez aussi aimer...

Nos partenaires