Valérie Maltais et les vertus du processus
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Montréal, 30 avril 2020 (Sportcom) – Cette semaine devait être présenté le 37e Défi sportif AlterGo, le plus grand événement multisport annuel au Canada. Ne pouvant avoir lieu tel que prévu cette année en raison de la pandémie, Sportcom en profite pour partager des textes en lien avec les para-athlètes québécois et le mouvement paralympique.
Sportcom s’est entretenu avec deux grandes figures du Paralympisme québécois qui comptent à eux seuls un total de 41 médailles paralympiques : L’ancienne athlète en fauteuil roulant Chantal Petitclerc et l’ex-paranageur Benoit Huot.
Comment le Paralympisme a changé depuis vos débuts ?
Chantal Petitclerc
« C’est complètement différent. Même quand j’ai commencé, ce n’était plus l’époque d’André Viger ou de Rick Hansen (NDLR deux athlètes de course en fauteuil roulant). Nous n’étions plus des pionniers et nous étions brevetés par Sport Canada, pas comme à l’époque où André Viger devait se battre pour faire le marathon de Montréal. Nous étions à une autre étape. Aujourd’hui, c’est complètement autre chose à tous les niveaux. »
Celle qui est aujourd’hui sénatrice à Ottawa vante le professionnalisme du Comité international paralympique qui est bien financé, « même si ça ne se compare pas au Comité international olympique, c’est sûr », ajoute-t-elle.
Benoit Huot
« À l’époque, le Canada était un pionnier en investissement dans le sport paralympique. Cela nous a grandement aidés. Nous avions terminé troisièmes au tableau des médailles (des Jeux de Sydney 2000) et nous avions même battu les Américains. »
« Le rêve ultime c’est de voir la médaille d’or paralympique avoir la même valeur symbolique que la médaille d’or olympique. Et on y arrive. »
Comment le Paralympisme a changé à l’échelle internationale ?
Chantal Petitclerc
« Les personnes handicapées sont encore stigmatisées dans des pays, alors les athlètes handicapés doivent encore se battre juste pour être reconnus comme des personnes. […] Le Comité international paralympique essaie de faire du développement, mais c’est là que l’on voit qu’il n’a pas l’argent et qu’il y a encore énormément de préjugés envers les personnes handicapées. À part la natation, le sport paralympique, ça coûte cher. Un fauteuil de basket, de course ou de tennis, on est dans une tranche de 7000$ à 10 000$. Une prothèse pour un coureur amputé, c’est de 10 000$ à 20 000$. »
La gagnante en 2008 du prestigieux Trophée Lou Marsh, remis à l’athlète par excellence au Canada, constate que les pays émergents misent davantage sur les sports moins onéreux.
Benoit Huot
« Le momentum au niveau international a explosé ! » constate Huot, qui réfère à l’émergence de nouvelles puissances internationales du Paralympisme, dont l’Ukraine et le Brésil, ce qui a aussi eu comme effet de faire reculer le Canada au classement des nations aux différentes éditions des Jeux paralympiques.
« Le Brésil, à la fin des années 1990, on ne le voyait pas dans les sports paralympiques. Lorsque le pays a eu l’intérêt de postuler pour une candidature olympique et paralympique, les investissements ont été majeurs et les Brésiliens ont embarqué dans l’aventure. Les gouvernements et les commanditaires ont investi massivement à l’intérieur du pays. Cela a eu un impact incroyable lorsqu’ils sont arrivés aux Jeux paralympiques. »
Il donne l’exemple qu’à compter de 2006, il a commencé à recevoir des invitations pour participer à des rencontres de paranatation avec un cachet à la clé. « On n’avait jamais vécu ça dans le sport paralympique ! Dans les 15 dernières années, les médias les plus présents aux rendez-vous internationaux, c’était ceux du Brésil. Les journalistes brésiliens connaissaient plus mon histoire que les journalistes québécois. C’était étrange et assez spécial. »
L’ancien nageur mentionne aussi que le changement de nom du comité olympique américain pour inclure le nom « paralympique » l’an dernier aura une nouvelle portée pour les athlètes qui ont un handicap.
« C’est un grand symbole pour le reste du monde et nous sommes certainement les prochains. J’aime le mouvement olympique, mais je pense que nous avons beaucoup à apporter à ce mouvement-là. »
Quel est le plus grand défi du mouvement paralympique ?
Selon Chantal Petitclerc, il s’agit du développement, tant au Canada que sur la scène internationale.
« J’ai pris ma retraite il y a dix ans et ce sont les mêmes athlètes que l’on voit sur les lignes de départ. L’athlétisme paralympique au Canada, c’est désastreux et c’est très, très long (à former la relève.) »
Comment explique-t-elle cette situation ? La multiple médaillée parle d’une diminution de la population de personnes handicapées combinée à une multiplication de l’offre sportive. « Quand j’ai commencé, c’était du basket ou de la course en fauteuil qui étaient les options. Là, une jeune femme paraplégique comme moi qui veut faire un sport de performance, elle aura 12 options. Et où allons-nous chercher les jeunes et faire de la rétention ? »
À propos de la classification, elle reste prudente à propos de la multiplication de celles-ci et elle rappelle qu’il existe des différences physiques importantes entre les athlètes d’une même épreuve aux Jeux olympiques.
« Les classifications, c’est presque philosophique : tu veux être juste jusqu’à un certain point, comme en boxe avec des catégories de poids, mais en même temps, tu ne peux pas non plus diviser en plus de catégories, avoir peu de monde (dans chaque catégorie) et que ça devienne ridicule. Mon empathie est limitée pour la quantité de classes, mais c’est très personnel et ce n’est pas partagé par tout le monde. »
Benoit Huot
La classification est le plus grand défi du mouvement paralympique selon lui. Il dresse un parallèle entre le défi de la classification pour le Comité international paralympique comme peut l’être le dopage pour le mouvement olympique, car comme en matière de dopage, certains pays tenteront toujours de jouer avec les limites de la classification.
« Il y a quelques années, j’étais déçu de voir l’évolution que cela prenait. En paranatation, c’était facile d’identifier plusieurs athlètes et de se demander ce qu’ils faisaient dans leur catégorie. Il y avait des frustrations et après les Jeux paralympiques de Rio, l’IPC (Comité international paralympique) et la fédération de natation ont décidé de revoir complètement le système de classification. Tous les athlètes qui souhaitent participer aux Jeux de Tokyo doivent refaire le processus de classification. »
Un an avant Rio, un trio d’Ukrainiens dominait sa catégorie S10. « Un des trois Ukrainiens avait un handicap comme le mien (NDLR pied bot) et ça paraissait. Les deux autres, on se posait tous la question et un de ceux-là avait déjà fait une demi-finale aux Championnats du monde (réguliers) avec Michael Phelps en 2013. Encore aujourd’hui, il détient la marque nationale ukrainienne au 200 m quatre nages sans handicap. C’est un excellent nageur. »
En conclusion
Chantal Petitclerc
« Je suis élitiste quand il s’agit de haute performance et je ne m’en cache pas », avait écrit Petitclerc en 2009 dans sa biographie 16 jours à Pékin. Onze ans plus tard, la quintuple médaillée d’or à ces Jeux n’a pas changé d’idée.
« Les décisions devraient toujours se prendre autour de la haute performance. Ça n’empêche pas que des gens nous disent que nous sommes des modèles et que nous ouvrons leur esprit. Pour moi, c’est un effet secondaire du mouvement paralympique. Ça existe, c’est super que ça inspire des jeunes, mais ça ne devrait pas être l’objectif », avance-t-elle, en ajoutant aussi qu’il y a une réalité où certaines actions et structures de développement doivent être faites, comme au Défi sportif AlterGo par exemple.
« Comme athlète, tu veux être dans l’élite de ton sport et il faut que la valeur de ta médaille soit représentative d’une performance que peu sont capables de faire. C’est ça la valeur d’une médaille olympique et paralympique. Peu de personnes sur la planète sont capables de faire ça et j’en fais partie. »
Benoit Huot
« Nous sommes chanceux. Nos gouvernements font de l’inclusion une priorité. L’inclusion, la diversité, l’accessibilité, ce ne sont pas des sujets qui nous interpellaient il y a 20 ans. Je crois que nous avons énormément évolué dans les 20 dernières années. »
Huot se souvient d’un symposium national sur le sport à Ottawa en 2003. Un entraîneur avait mentionné que les Jeux paralympiques ne seraient jamais comme les Jeux olympiques. Huot lui avait répondu que les femmes n’avaient pas tous les accès au club de tennis de Wimbledon il y a 30 ans.
« Aujourd’hui, les joueuses de tennis ont les mêmes bourses que les hommes. »
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