26 Mar - 2020 | par Mathieu Laberge

Le sport au temps de la pandémie de la COVID-19

L’importance du laisser-aller durant cette pause forcée

Nouvelle

Montréal, 26 mars 2020 (Sportcom) – Les athlètes de haut niveau ont l’habitude d’avoir le contrôle sur leur quotidien. Le but est simple : tout mettre en œuvre pour optimiser leur performance sportive. La pandémie mondiale de la COVID-19 a stoppé le calendrier des épreuves à tous les niveaux. Une fois que l’entraînement et les compétitions sont disparus de leur agenda, comment les athlètes peuvent conserver leur état d’esprit en santé face au report des Jeux de Tokyo ?

Sportcom a sondé l’avis de deux spécialistes : Maxime Boilard, de CANU, et Sylvain Croteau, de Sport’Aide.

Tous dans le même bateau

Quatre ans après avoir terminé quatrième à l’épreuve du C-1 500 mètres aux Jeux olympiques de Sydney, Boilard a raté sa place dans l’équipe olympique canadienne alors que plusieurs le voyaient sur le podium. Celui qui est aujourd’hui à la tête de CANU, une entreprise qui aide les athlètes en transition de carrière et les leaders en entreprise est donc bien placé pour comprendre ce que vivent les athlètes d’élite.

« Les athlètes ont un deuil à faire et ça remet un paquet d’affaires en question. Ils s’étaient fait une idée, ils étaient attachés à cette idée-là et maintenant, ce Tokyo qu’ils avaient en tête sera différent. La base d’une préparation mentale saine pour faire une performance, c’est de ramener les choses où l’on a du pouvoir et de se désidentifier du résultat. Où tu n’as pas de pouvoir, tu apprends à laisser aller. Il y en a qui le font pour être meilleur à leur prochaine épreuve sportive, mais ils ne voient pas que c’est aussi applicable sur l’ensemble d’une vie. »

Apprendre à laisser aller et faire son deuil. C’est ce que l’ex-athlète et entrepreneur vit personnellement, au sens propre, en confiant qu’il était au chevet de sa mère la semaine dernière. Elle est décédée du cancer.

« C’est arrivé au moins dix fois de me retourner pour voir si elle était encore assise sur le sofa. Dans ma tête, elle était là. Nous avons des habitudes plus ou moins conscientes. Cela va durer quelques semaines avant que les athlètes perdent ce réflexe. La situation actuelle est une invitation à un grand relâchement. Les athlètes doivent se dire : je suis plus qu’un canoéiste, je suis plus qu’une nageuse. Ce moment pourrait les aider dans leur transition de carrière qui aura lieu dans deux ou huit ans. »

Boilard dresse un parallèle avec une autre partie de sa clientèle, celle du monde des affaires : « C’est la même chose pour un entrepreneur qui vient mettre à pied 120 employés. Lui aussi il doit faire un deuil de l’année 2020 qu’il avait imaginée. »

De l’aide pour tous

L’incertitude ne touche pas seulement les athlètes de haut niveau. Les sportifs de tous âges sont nombreux pour qui le sport organisé prend une grande place dans leur vie quotidienne.

L’organisme Sport’Aide qui aide les athlètes victimes d’abus dans un contexte sportif depuis bientôt deux ans a décidé d’élargir son offre de services dans la situation actuelle.

« On s’adresse à tous les intervenants de la communauté sportive : athlètes, entraîneurs, administrateurs et parents, mentionne le directeur général Sylvain Croteau.

« Quiconque fait un peu de sport, pourra vous confirmer que c’est une dépendance. Et quand on t’en prive, si tu ne combles pas le vide avec des choses positives, il y a peut-être un piège qui te guette de le faire avec des choses négatives. C’est important d’en parler et de ventiler. »

M. Croteau rappelle que le sport peut être une porte de sortie d’une situation familiale difficile pour certains jeunes qui, en plus d’être privés de leur pratique favorite, sont en plus confinés dans une cellule familiale suffocante.

Ceux-ci auront l’oreille de l’organisme qui ciblera ses messages, notamment avec deux de ses porte-paroles, la joueuse de rugby Karen Paquin et la joueuse de basketball en fauteuil roulant Cindy Ouellet. « Ce sont des athlètes qui allaient aux Jeux (olympiques et paralympiques). Elles diront à un nageur des Barracudas de Gaspé ou à un joueur de hockey pee-wee de Roberval « Je comprends ce que tu vis. Moi je vais manquer les Jeux, mais il existe pour toi quelqu’un qui peut t’aider, qui peut t’écouter et que c’est important que tu en parles. Tu ne dois pas garder ça pour toi et vivre ça tout seul chez toi. » »

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