Parasports
Montréal, 22 juin 2020 (Sportcom) – C’est un chemin parsemé de défis qu’a traversé le sport adapté au Québec. Une aventure qui se poursuit aujourd’hui, mais que Donald Royer quitte après avoir contribué pendant près de 50 ans à faire rayonner ce mouvement. Le Sherbrookois a libéré son poste au sein du conseil d’administration de Parasports Québec après avoir changé la vie de nombreuses personnes et il laisse un héritage important dans le monde du sport québécois.
« Il a défoncé les portes et il sait de quoi il parle ! Il fallait dépasser les portes de la reconnaissance, surtout dans le sport de haute performance. On voulait les mêmes services que les autres athlètes et c’est en grande partie grâce à lui que nous en sommes à ce point aujourd’hui », affirme la sénatrice Chantal Petitclerc, 14 fois championne paralympique.
Le début de l’histoire remonte plus de 50 ans plus tôt. Le basketball en fauteuil roulant, qui en était à ses balbutiements au Québec, a piqué la curiosité d’un jeune Donald Royer. Il n’a pas tardé trop longtemps à trouver sa place dans cet environnement.
« À la fin des années 60, Roger Mondor a mis sur pied la Fédération des loisirs et du sport pour personnes handicapées du Québec et m’a approché pour entraîner. Je n’y connaissais rien, mais en arrivant à Montréal, j’ai bien vu que c’était le même gymnase, le même ballon et les mêmes paniers », se souvient celui qui jadis, était entraîneur de basketball debout à l’Université de Sherbrooke.
Il a ainsi décidé de continuer pour le reste de la saison, puis pour une seconde, pour finalement s’investir durant environ cinq décennies. À l’époque, ce sport surtout pratiqué par les anglophones gagnait en popularité dans la métropole.
Les nombreux obstacles
« Le mouvement a grandi et d’autres sports se sont greffés, mais on ne peut pas dire que les athlètes étaient hautement reconnus », raconte M. Royer, dont l’ambition n’a jamais fait de doute.
Ses objectifs pour les parasports étaient clairs : donner une crédibilité au sport adapté similaire à celle dont profite le sport olympique, en plus de s’assurer que le mouvement soit à la fois reconnu et respecté par la population.
« Ce qu’on entendait souvent, c’était que les athlètes étaient des gens « courageux ». Les gens se disaient impressionnés par leur dynamisme et leur désir de faire quelque chose, mais ne les reconnaissaient pas nécessairement comme des athlètes », explique-t-il au sujet de cette image réductrice aux effets néfastes.
D’abord, les athlètes en fauteuil roulant ne recevaient pas de soutien financier comme les autres athlètes. Ils n’avaient droit à aucune couverture médiatique et « n’étaient pas pris au sérieux ». L’accès aux gymnases et aux toilettes a également nui à la participation des athlètes en fauteuil roulant, ce qui a requis des changements au code du bâtiment…et à la vision des gens.
« [Donald Royer] était très, très impliqué, au point que je le trouvais des fois homme-orchestre ! Je me demandais comment il faisait pour cumuler l’ensemble de ses implications bénévoles avec son travail de professeur », indique Guy Berthiaume, le premier directeur général de Parasports Québec.
Des porte-parole exemplaires
En 1984, l’Association québécoise des sports en fauteuil roulant (AQSFR) a vu le jour. Elle sera reconnue quelques années plus tard par le gouvernement provincial et recevra des subventions en tant qu’organisme officiel de régie du sport en fauteuil roulant.
Pendant ce temps, des Québécois s’illustrent de plus en plus sur la scène internationale. « Il y avait un mur et graduellement, il s’effritait », image Donald Royer.
Le spécialiste de la course sur route René Massé a marqué une page d’histoire au tournant des années 70, devenant le premier Québécois à participer aux Jeux paralympiques présentés en 1972, à Heidelberg, en Allemagne.
Ont suivi les Douglas Lyons, André Viger et Chantal Petitclerc, pour ne nommer que ceux-là, qui à leur manière, ont permis aux sports adaptés de se tailler une place parmi l’élite sportive québécoise.
« Ils faisaient leurs marques et ils ont tous attiré l’attention des médias en atteignant un certain niveau d’excellence, de performance. Ç’a permis de mettre le sport en fauteuil sur la carte », se rappelle Donald Royer qui, en compagnie de ses protégés, n’a jamais cessé de batailler pour que les para-athlètes soient reconnus à leur juste valeur.
Après chaque cycle paralympique, une amélioration constante a été remarquée par celui qui a été impliqué à une douzaine de Jeux paralympiques partout à travers le monde.
Lentement, mais sûrement, les Québécois ont finalement récolté le fruit de leurs efforts. « Les gens étaient de plus en plus curieux et la qualité du spectacle au niveau du sport a grandi. Il y a une certaine crédibilité qui s’est établie au fil des ans. »
Et les preuves sont éloquentes. En 1975, Douglas Lyons est devenu le premier para-athlète à être récompensé au Gala Sports Québec, remportant la catégorie de l’athlète par excellence, avant de voir André Viger mettre la main sur le prestigieux titre, dix ans plus tard.
En 2000, c’était au tour de Chantal Petitclerc, récipiendaire de l’athlète féminine par excellence au niveau international, de se démarquer.
« Enfin, les choses changeaient pour le mieux… » se rappelle Donald Royer.
Une voix forte pour le Québec
À partir des années 1990, plusieurs sports adaptés sont bien établis et les succès des Québécois à l’international contribuent grandement à forger le mouvement.
Après avoir rempli des rôles d’entraîneurs, il a occupé différents postes pouvant influencer les domaines politique et médiatique et « vendre le produit ». Donald Royer a su tirer son épingle du jeu pour faire avancer les choses.
Des efforts qui venaient toujours avec ceux de précieux collaborateurs, précise-t-il. « Je n’ai jamais rencontré un ministre ou quelqu’un du gouvernement sans avoir une personne en fauteuil roulant à mes côtés. Je voulais m’assurer qu’en arrivant au bureau, s’il y avait des marches, ils allaient m’envoyer quelqu’un pour s’occuper de mon ami! »
À son avis, l’impact du message aurait été moindre s’il s’était présenté seul pour mettre de l’avant les parasports. « De cette façon, on leur faisait réaliser quel était le problème en le mettant de l’avant. Les personnes qui m’accompagnaient étaient brillantes et le gouvernement n’avait d’autre choix que de nous accueillir. »
Donald Royer a aussi siégé de maintes façons sur la scène internationale au sein du Comité international paralympique et de la Fédération internationale des sports en fauteuil roulant, où il a été vice-président et président.
Durant ces années, le Québécois a pu constater la place de la province et du Canada sur l’échiquier mondial. Une place de choix, il va sans dire. « Juste de voir un Canadien capable de garantir une orientation intéressante pour la progression du sport, on voyait que le pays était dynamique et respecté. »
De nombreux remerciements
« J’ai beaucoup d’admiration et d’affection pour Donald Royer. Dans toute mon évolution en tant qu’athlète, il a toujours été là. Il était très près des athlètes et était toujours là pour eux, que ce soit pour traîner les sacs ou gonfler les pneus ! » se rappelle Chantal Petitclerc.
Les membres de la communauté des parasports au Québec ont été nombreux à remercier Donald Royer mardi dernier et à souligner son importante contribution au mouvement. Une autre preuve que son passage aura été marquant.
« Donald laisse un héritage extraordinaire ! Je pense que même s’il prend sa retraite, il va rester la référence dans le milieu. La jeune génération va avoir un modèle extraordinaire à suivre », lance Pierre Proulx, membre du conseil d’administration de Parasports Québec.
Aujourd’hui, Donald Royer garde de bons souvenirs de sa carrière dans l’univers des sports adaptés. À l’image des sports olympiques, chaque discipline se développe continuellement et le niveau de jeu s’améliore tout autant. « J’ai découvert un milieu qui correspondait à mes valeurs sportives. Parasports Québec est dorénavant une structure dynamique, organisée, hautement respectée et reconnue. »
Il souhaite maintenant que certains sports aient droit à plus de soutien, en plus de voir les parasports gagner en popularité dans toutes les régions du Québec.
Il conclut avec un message qui résume très bien ses motivations et son héritage après cinq décennies de travail.
« Je veux qu’il y ait plus de personnes qui participent, que ce soit pour le plaisir ou la compétition. Il faut s’assurer que personne ne soit laissé de côté. »
Les paroles d’un grand leader, d’un bâtisseur chevronné qui aura marqué positivement plusieurs générations. Et sa passion pour les sports adaptés et sa détermination demeureront à jamais dans l’ADN de Parasports Québec.