12 Sep - 2023 | par Mathieu Laberge

Cyclisme sur route

Pierre Hutsebaut, le pédagogue du vélo

Nouvelle

Sportcom, Mathieu Laberge

Montréal, 12 septembre 2023 (Sportcom) – Tous les cyclistes québécois masculins qui ont participé au Tour de France de l’ère moderne, Hugo Houle, Guillaume Boivin, Antoine Duchesne et David Veilleux, ont été épaulés par l’entraîneur Pierre Hutsebaut à un moment ou à un autre de leur carrière.

À ce groupe s’ajoute le nom de Simone Boilard, qui a été de l’édition féminine en 2022 et 2023.

L’entraîneur était un spectateur avisé au Grand Prix cycliste de Montréal, dimanche, et Sportcom a profité de l’occasion pour revenir sur ses cinq décennies à graviter dans la sphère cycliste.

Encore pertinent après 50 ans de métier

Ancien compétiteur, Pierre Hutsebaut a été bénévole aux Jeux olympiques de Montréal. D’entraîneur provincial à national, il conseille encore aujourd’hui une poignée d’athlètes, dont Simone Boilard. Au-delà de sa longévité dans la profession, ce qui impressionne, c’est de constater que la majorité des cyclistes québécois qui sont passés professionnels en Europe ont déjà été entraînés par lui durant leur carrière.

Un certain mystère flotte autour de son âge qu’il préfère ne pas révéler. Si on devine qu’il a les 70 ans passés, une chose demeure : il figure encore parmi les meilleurs de sa profession. Pour preuve, Cyclisme Canada lui a décerné le titre de l’entraîneur de l’année en 2022.

Pierre Hutsebaut enseignait la chimie au collège Maisonneuve dans une ancienne vie. Il a conservé ce goût de la pédagogie et de la curiosité scientifique.

« Quand tu es professeur, tu veux transmettre et tu veux aider. J’ai gardé ça. J’aime me tenir au courant et ce qui se publie, je le regarde », explique l’homme d’origine française qui s’est établi au Québec au début des années 1970.

Au fil des ans, il a aussi occupé des rôles de directeur sportif, administrateur, organisateur de course et entraîneur de l’équipe olympique canadienne en 1984, où Steve Bauer a obtenu la médaille d’argent. La formation comptait aussi dans ses rangs d’autres noms qui sont encore connus du grand public aujourd’hui : Louis Garneau et Pierre Harvey.

« Si ça n’avait pas été de Pierre, j’aurais arrêté le vélo en 2019 » – Simone Boilard

Pierre Hutsebaut a toujours été présent sur les Champs Élysées lorsque ses coureurs ont terminé la Grande Boucle. Ce fut le cas en 2022 quand Simone Boilard a complété son premier Tour de France. La Québécoise membre de l’équipe française Saint-Michel – Mavic – Auber93 revenait de loin. Après avoir brillé dans les rangs juniors, elle a connu un passage à vide une fois arrivée chez les seniors. S’en est suivi un grave problème à une artère iliaque.

Le conjoint de Boilard, le cycliste Nickolas Zukowsky, s’entraînait sous la gouverne d’Hutsebaut et lorsqu’il a informé son entraîneur que sa copine songeait à remiser son vélo, ce dernier l’a immédiatement contactée.

« Il avait un plan sur plusieurs années pour moi. J’ai trouvé ça motivant comme plan de match, alors j’ai décidé de travailler avec lui, se rappelle Boilard, quatre ans plus tard. Je l’ai toujours dit : si ça n’avait pas été de Pierre, j’aurais arrêté le vélo en 2019. Mon histoire aurait été différente et je ne me serais jamais établie en Europe. Tout ce que j’ai entrepris dans le vélo depuis cette année-là, je le dois à Pierre. »

Avant de reprendre le travail spécifique, l’entraîneur voulait que sa nouvelle protégée retrouve le plaisir de rouler.

« Pierre, il a tellement d’expérience et toi, quand tu as 19 ans et que ça fait six mois que ça ne va pas bien, tu penses que c’est la fin. Lui, il sait que six mois dans une vie, ce n’est rien. Je pense qu’il avait vu un potentiel en moi. »

Boilard avait l’habitude d’écraser la compétition dans les rangs juniors canadiens en s’imposant en solo. En contrepartie, cela avait limité son expérience en matière de lecture de course, de stratégie ou sur la façon de faire un sprint final. Et cela lui a peut-être coûté le maillot arc-en-ciel junior en 2018, reconnaît-elle des années plus tard.

« Il m’a interdit de partir seule en échappée en course afin que je travaille mon sprint. […] Je cours maintenant trois fois mieux qu’avant. »

« Du vécu qui ne s’achète pas »

Nickolas Zukowsky (Q36.5 Pro Cycling Team) s’entraînait avec Pierre Hutsebaut jusqu’à l’an dernier. Comme les Houle et Boivin, il est désormais encadré par son équipe. L’athlète a toutefois gardé contact avec son ancien entraîneur pour continuer à profiter de ses précieux conseils puisés dans la vieille et la nouvelle école de l’entraînement.

« On a de super bons entraîneurs qui ont des maîtrises et des doctorats, mais l’expérience concrète d’avoir été entraîneur pendant tant d’années, c’est quelque chose qui a une grande valeur, explique Zukowsky […] Ça m’a tellement avantagé de garder une belle relation avec Pierre pour lui faire part de mes idées et savoir ce qu’il en pensait avec son expérience du terrain. Il a du vécu qui ne s’achète pas et qui vaut extrêmement cher pour les gens qu’il a aidés dans son cheminement. Il a beaucoup de connaissances, mais il est aussi très humble. »

Tellement humble que Simone Boilard a mis un bon moment pour trouver une photo d’elle en compagnie de son entraîneur qui préfère demeurer dans l’ombre. Sa pudeur à parler de lui s’est tranquillement dissipée pendant l’entrevue pour faire place à la passion qui l’anime encore.

« Simone, elle veut réussir, alors je l’aide et je lui trace le chemin », précise celui qui l’a mise en contact avec sa formation actuelle, tout comme il l’avait fait pour David Veilleux lorsqu’il a fait le saut chez Europcar avant de participer au Tour de France.

« Quand il entreprend une relation avec un athlète, ce n’est pas juste pour faire des plans d’entraînement. C’est pour lui tracer un chemin et l’accompagner le plus loin possible », confie Boilard.

Les chemins peuvent se séparer, mais la fierté demeure.

« (Ma fierté), c’est l’évolution de mes coureurs. Hugo (Houle), il est venu me voir quand il avait 16 ans. Aujourd’hui, il en a 33, c’est un champion et un homme accompli. Il a bien géré sa vie. Ça, ça me rend fier ! Antoine (Duchesne), je le vois et il est épanoui comme père de famille et tout ça. Je les ai accompagnés et suis fier de ce qu’ils ont fait. »

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