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Photo: Patinage de vitesse Canada
Montréal, 18 janvier 2023 (Sportcom) – Qu’est-ce que deux centièmes de seconde sur une course d’une minute 7,28 secondes ? Presque rien, mais c’est assez pour être l’écart qui séparait chacun des quatre premiers du 1000 mètres à la Coupe du monde de patinage de vitesse longue piste de Calgary du 11 décembre dernier. Laurent Dubreuil et Antoine Gélinas-Beaulieu ont respectivement terminé deuxième et troisième ce jour-là.
Dans cette épreuve où les pointes de vitesse avoisinent les 60 km/h et où chaque petit détail peut avoir un impact sur la performance, Sportcom a posé la question à chaud à Laurent Dubreuil après la course : « Si tu avais une barbe rasée aujourd’hui, est-ce que ça passait (pour la première place)? »
Le Lévisien et vice-champion olympique, qui porte toujours une barbe bien fournie, a répondu avec toute la passion analytique qu’on lui connaît pour son sport.
« On s’est fait dire que dans les tests en soufflerie, quand on mettait une fausse barbe au mannequin, ça ne changeait rien. »
Vérification faite, le vice-champion olympique de la distance avait tort à propos de la fausse barbe que porteraient les mannequins, mais sur le fond, il avait raison. Ce n’est donc pas sa barbe qui l’a privé de sa première victoire dans un 1000 mètres de Coupe du monde.
Ce qu’en dit la science
Annick D’Auteuil est attachée de recherches et spécialiste de l’aérodynamique des sports du Conseil national de recherches du Canada. Ses travaux de recherche, elle les effectue principalement en soufflerie et elle collabore avec quelques fédérations sportives nationales depuis plusieurs années, dont Patinage de vitesse Canada, afin d’isoler et mesurer des variables de l’aérodynamique.
« C’est compliqué d’avoir les athlètes toujours disponibles pour venir en soufflerie, alors nous avons développé des mannequins afin de tester de grandes quantités de différentes combinaisons de course et les aider à avoir la meilleure. Les mannequins n’étaient pas utilisés pour les barbes ou des choses comme ça. Ce serait trop difficile de simuler une barbe sur un mannequin », explique la chercheuse en riant.
L’aérodynamique dépend de la vitesse, mais aussi de la forme du corps dans l’écoulement d’air. Mme D’Auteuil aide les athlètes à trouver un point de rencontre entre une position optimale de façon biomécanique, mais aussi aérodynamique.
« On peut voir le corps humain comme un ensemble de cylindres : les bras, le tronc, les jambes, etc. »
L’objectif est de diminuer la traînée – la force qui empêche l’athlète d’avancer – de ces cylindres.
« À certains endroits du corps, c’est très clair que l’on peut jouer avec la rugosité de surface pour réduire la traînée. […] Est-ce qu’avoir une barbe ou des lunettes (change quelque chose) ? C’est difficile à dire. Ça dépend de la position du patineur : certains auront la tête plus relevée, d’autres les yeux rivés sur la glace. »
L’utilisation de tissus avec des textures variées à différents endroits de la combinaison d’un patineur de vitesse longue piste a un impact concret.
« La barbe est à un endroit où il est difficile de jouer sur la rugosité de surface pour diminuer la traînée de forme. Ailleurs sur le corps, comme les bras et les jambes qui ont des formes cylindriques, on a une plage d’aérodynamique où la rugosité de surface peut faire une grande différence », poursuit la scientifique.
Une question de feeling
Laurent Dubreuil l’avoue : il préfère courser avec une barbe.
« Quand je suis complètement rasé, j’ai plus de vent dans le visage et ça me donne une sensation de vitesse plus grande, mais j’aime mieux avoir l’impression que je ne vais pas vite pour être plus en contrôle de mes mouvements », avait mentionné le patineur après sa médaille d’argent du mois dernier.
« C’est niaiseux, mais je sens que je patine plus en confiance quand j’ai une barbe. Je trouve que le vent dans le visage, de façon sensorielle, ça me déconcentre un peu. Je ne sais pas. Peut-être que ça m’a coûté la victoire, mais je ne pense pas. »
Annick D’Auteuil va dans le même sens que le champion du monde 2021 au 500 mètres.
« C’est important pour les athlètes de savoir comment ils se sentent. Au niveau aérodynamique, nous leur développons des positions et de l’équipement, mais l’athlète, selon ce qu’il va porter et comment il va se sentir a une importance capitale. »
Antoine Gélinas-Beaulieu avait arboré la moustache pendant une bonne partie de la saison 2021-2022, notamment lors de sa participation aux Jeux olympiques de Pékin. Cette saison, c’est avec le visage imberbe qu’il était sur la ligne de départ.
« J’essaie encore de trouver la pilosité la plus aérodynamique », a lancé en riant l’athlète de Québec après sa première médaille individuelle dans le circuit de la Coupe du monde. « Présentement, je n’ai pas de barbe du tout et ça fonctionne bien, alors je pense que je vais rester avec ça. Laurent, lui, il pensera ce qu’il voudra, mais moi, je continue à me raser ! »
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