15 Jan - 2025 | par Louis-Michel Lelièvre

Des « histoires d’horreur » et des inégalités qui perdurent

Nouvelle

Montréal, 15 janvier 2025 (Sportcom) – L’arrivée de la nouvelle structure ProTeam en cyclisme féminin ainsi que l’instauration du salaire minimum dans certains pays surviennent pendant qu’en coulisses, les choses ne sont pas toujours là où elles devraient être en 2025. Si les efforts sont de plus en plus nombreux, c’est parce qu’ils sont nécessaires.

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« Souvent, ç’a l’air bien beau quand on publie des photos de nos voyages de vélo sur Instagram, mais on ne publie jamais les côtés moins agréables. Et il y en a, il y en a beaucoup. Des histoires d’horreur, ça existe », a affirmé Laury Milette, ne prenant aucun détour quand vient le temps de parler des réalités du cyclisme chez les femmes dans les niveaux inférieurs au World Tour.

« Pas avec Komugi – Grand Est, mais par le passé, il y a eu des moments difficiles. Quand ça allait moins bien au niveau de la direction, c’était souvent les coureuses qui en payaient le prix, a confié Milette. On se faisait insulter, il y avait des remarques par rapport à notre poids si on mangeait trop. Ça peut faire assez peur, particulièrement du côté des femmes. Ça nous marque et ça ne donne pas toujours envie de continuer, surtout quand on est plus jeunes. »

« J’ai fait le choix cette année d’avoir mon propre appartement avec mon copain et mentalement, ça va vraiment mieux, a poursuivi la Québécoise. Par le passé, pour économiser de l’argent, je vivais dans les maisons d’équipe avec plusieurs autres filles. On a tout vécu ! Il y avait des souris, il fallait parfois dormir à deux dans le même lit, on se retrouvait souvent loin des services, sans voiture évidemment. Tu veux faire de ton mieux, mais ce ne sont pas des conditions gagnantes pour le vélo. »

L’ancienne cycliste professionnelle Karol-Ann Canuel a également vécu son lot d’expériences particulières au cours de sa carrière qui s’est terminée en 2021. Même si elle n’est pas nécessairement surprise que ces situations soient toujours d’actualité, elle se dit désolée que les athlètes subissent encore ce genre de comportement.

« C’est fou que ce soit encore la réalité de notre sport. Je pense que j’ai été relativement chanceuse au cours de ma carrière, mais oui, j’ai reçu des commentaires particuliers de certaines personnes avec une mentalité qui datait certainement d’une autre époque. C’est normal d’être sensible à ces trucs-là, ma technique était d’ignorer ces commentaires, même si ce n’est pas toujours facile. Je voulais prouver ma valeur lorsque je me retrouvais sur mon vélo à l’entraînement et pendant les courses », a-t-elle indiqué.

Courser sans salaire

Autre lutte incessante : la sous-représentation des femmes est bien présente au sein du personnel des équipes, comme l’explique Kathy Dufour, anciennementdirectrice sportive de Primeau Vélo – Groupe Abadie.

« Même chez les équipes féminines, la majorité des employés et membres de la direction sont des hommes. Je me suis souvent retrouvée à être la seule femme directrice sportive pendant des courses. C’est incroyable! Ça demeure un milieu d’hommes, même chez les femmes, et c’est difficile de se faire une place. C’est un changement qui est difficile à implanter. »

Malgré tout, le cyclisme féminin de haut niveau se porte bien et gagne en popularité, mais sans surprise, il se trouve encore bien loin de ce qui se fait du côté masculin. Comme c’est le cas dans bien des sports d’ailleurs.

D’autres doivent vivre les aléas du sport et prendre un pas de recul pour espérer donner un second souffle à leur carrière, comme Laury Milette, qui ne touchera aucun salaire en cyclisme en 2025.

La situation est la même pour les sœurs Pénélope et Camille Primeau qui ont toutes les deux paraphé des ententes avec le club belge Baloise WB. Elles ne seront pas payées non plus pour rouler en 2025, après que leur équipe, Primeau Vélo – Groupe Abadie, ait cessé ses activités.

« J’ai eu la chance de recevoir du financement de Cyclisme Canada lors de la dernière année, mais je ne sais pas si je vais pouvoir toucher à cet argent cette année. C’est clairement un pay cut, mais je le fais pour me faire voir, montrer ce dont je suis capable. Je veux découvrir le vélo en Europe et vivre une expérience. L’important pour moi était de m’assurer que je me retrouvais avec une équipe saine avec laquelle je peux me développer en tant qu’athlète », a indiqué Pénélope.

« Au même niveau que moi, les hommes vont toucher un salaire de base, qui va quand même leur permettre de payer un loyer, disons », a fait savoir Laury Milette, elle qui forme un couple avec le cycliste ontarien Carson Miles.

« En ce qui a trait aux compétitions, c’est assez semblable pour Carson et moi. Par contre, les conditions sont très différentes. Je ne connais pas tous les services qui seront offerts avec mon équipe, mais il se fait donner un vélo gratuitement, ce qui n’est pas mon cas. Il reçoit des vêtements et de l’équipement aussi, en plus de son salaire », a énuméré Milette.

Une piste de solution

Son ancienne coéquipière Clara Émond n’est pas dans la même situation. Depuis 2024, les équipes féminines et masculines commanditées par Education First vivent sous un même toit et profitent des mêmes spécialistes. Une situation plus que positive selon elle et Magdeleine Vallières-Mill, membres de l’équipe ProTeam EF-Oatly-Cannondale.

« On a accès à des nutritionnistes, des psychologues, des chiropraticiens. Je suis allée à un camp en Espagne dans les dernières semaines et j’étais un peu blessée, j’avais deux séances par jour avec des spécialistes, on a des médecins avec nous sur toutes les courses qui font des suivis quotidiens. Tout est pris en charge et ce sont de gros avantages d’avoir une structure comme la nôtre avec les mêmes ressources pour les hommes et les femmes », a raconté Émond.

« Avant 2024, l’équipe s’appelait EF Education-TIBCO-SVB et la structure était complètement différente. C’était séparé des hommes d’EF. Les différences sont énormes depuis que tout le monde est ensemble et c’est très positif pour nous. L’accès aux spécialistes est maintenant tellement facile, c’est une structure qui fonctionne et honnêtement, on le voit avec les résultats de l’équipe l’an dernier », a poursuivi Vallières-Mill, partageant ce qui pourrait bien être la marche à suivre pour l’ensemble des équipes féminines.

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