15 Nov - 2022 | par Mathieu Laberge

Judo

Les récompenses de la patience de Catherine Beauchemin-Pinard

Nouvelle

Une judoka souriante avec sa médaille.

Photo: IJF

Montréal, 15 novembre 2022 (Sportcom) – La poussière a eu le temps de retomber pour Catherine Beauchemin-Pinard un mois après l’obtention de son titre de vice-championne du monde de judo dans la catégorie des moins de 63 kg.

Une médaille d’argent aux Championnats du monde, c’est pleinement méritoire, mais au judo, cette récompense est acquise après avoir perdu le combat pour la médaille d’or. Et c’est pour cette raison qu’il faut toujours un peu plus de temps avant de la savourer pleinement.

« Je suis vraiment contente de ma médaille d’argent. C’est clair (que je me dis) : “Ah, j’étais si proche de la médaille d’or”, mais si je regarde ma journée, je me suis super bien battue et j’ai eu tellement de bons commentaires des coachs et des autres athlètes. Plein de monde m’a dit que c’était vraiment le fun de me regarder. […] Je pense que je la savoure un peu plus », explique l’athlète, rencontrée avant un entraînement à l’Institut national du sport du Québec.

Parmi les meilleures au monde deux années de suite

Catherine Beauchemin-Pinard est une athlète d’exception. Des athlètes québécoises médaillées aux Jeux olympiques de Tokyo, elles ne sont que deux à être à nouveau montées sur le podium aux Championnats du monde suivants, l’autre étant la rameuse Kasia Gruchalla-Wesierski. L’haltérophile Maude Charron est la dernière qui pourrait rejoindre ce club sélect aux mondiaux qui seront disputés à Bogota, en Colombie, au début décembre, où elle fera ses débuts dans sa nouvelle catégorie des moins de 59 kg.

Dans son palmarès, Catherine Beauchemin-Pinard place sa plus récente médaille d’argent sur un pied d’égalité avec celle de bronze obtenue aux Jeux olympiques de Tokyo. Son état d’esprit avant ces deux tournois majeurs était toutefois légèrement différent. À Tokyo, elle savait qu’elle pouvait décrocher un bon résultat. Aux mondiaux du mois dernier, pour une première fois, elle s’est dit qu’elle pouvait battre tout le monde.

« Pendant toute la journée, je me sentais à ma place et je l’avais même dit avant d’aller aux Championnats du monde : à ce moment-ci de ma carrière, je suis bien installée dans ma catégorie de poids. »

Pas d’arrogance, juste une saine confiance en ses moyens.

Cette confiance, elle est innée ou elle s’est construite au fil des ans? Celle qui a fait ses classes au Club de judo de Saint-Hubert rit avant de répondre.

« Ça se construit sur les résultats que j’ai faits dans le passé. J’ai gravi les échelons un par un. »

Une longue progression

Retour en 2014. Catherine Beauchemin-Pinard décroche le bronze aux Championnats du monde juniors. L’année suivante, elle finit cinquième aux mondiaux seniors. En 2016, c’est donc en toute logique qu’elle s’imagine monter sur le podium olympique à ses premiers Jeux. Son élimination hâtive au premier tour du tableau des moins de 57 kg a eu l’effet d’une douche froide.

« Les Jeux de Rio, en 2016, ç’a été une grosse déception. J’étais vraiment contente d’y aller, mais un coup que tu es sélectionnée, tu veux plus. La façon dont j’avais approché les Jeux, je me concentrais beaucoup sur les résultats. Je voulais absolument une médaille et je savais que j’étais capable. […] En 2021, je me suis beaucoup plus concentrée sur le processus avant et sur comment je voulais me sentir à l’approche des Jeux et la journée des Jeux. Et je pense que c’est ça qui a fait une grosse différence. J’ai été capable de performer et de gérer mon stress en 2021 plus qu’en 2016. »

Les années entre 2016 et 2021 ont été déterminantes pour la suite des choses. Une série de défaites a fait en sorte qu’elle s’est remise en question quant à son avenir sportif.

« À chaque fois que je perdais, c’était : “je ne suis pas bonne. Pourquoi je suis ici, pourquoi je fais ça ?” Je me rabaissais tellement qu’après, c’était plus dur de remonter la pente. Là, j’ai dit ça suffit ! Je veux faire du judo pour aimer ça, que je perde ou que je gagne. »

Cela passait par un changement de catégorie de poids : quitter les moins de 57 kg et se retrouver chez les moins de 63 kg. Un monde de différence qui va bien au-delà de 6 kg. Soit l’athlète montait de catégorie, soit elle arrêtait le judo. Sa décision a été prise en concertation avec son entraîneur et sa psychologue spécialisée en nutrition.

« J’ai dû réapprendre à approcher les compétitions d’une autre façon et aussi mes adversaires, car chez les 63 kg, elles sont toutes vraiment plus grandes que moi. Ç’a été toute une adaptation. Ensuite, je me suis mis des objectifs de processus au lieu d’objectifs de résultats. Et avec tous ces petits apprentissages, c’est là que j’ai réussi à avoir une Catherine plus complète et prête à aller chercher ce qu’elle voulait aux Jeux de Tokyo. »

Le déclic

Catherine Beauchemin-Pinard a poursuivi son parcours vers les Jeux qui devaient originalement être présentés en 2020. Un an plus tôt, elle avait été éliminée en première ronde des Championnats du monde. Une défaite qui s’est transformée en un moment charnière, constate-t-elle trois ans plus tard.

« J’étais déçue et en train de douter de moi. Je me disais : “si je ne suis pas capable de performer aux Championnats du monde en 2019, comment je vais faire pour avoir une médaille aux Jeux ?” Je remettais tout en question. Et c’est là que je me suis dit que si je voulais continuer et performer dans les prochains tournois, il fallait que j’arrête de me remettre en question à chaque fois. C’est là que j’ai commencé à avoir plus de compassion avec moi-même. […] À voir la défaite comme une façon d’apprendre et de te relever la prochaine fois et non comme juste une défaite. »

Dans sa tête, elle se battrait comme si les Jeux de Tokyo étaient ses derniers.

On connait la suite.

Le 27 juillet 2021, elle est devenue la première judoka québécoise à monter sur un podium olympique. Cette journée avait pourtant mal commencé, sauf que cette fois, elle ne doutait plus en ses moyens.

« Embarquer sur le tapis et de te dire que tu veux vraiment gagner et non de ne pas vouloir perdre, c’est une grosse différence. Quand tu fais tout pour ne pas perdre, généralement, ça ne se passe jamais bien », lance l’athlète en riant, alors qu’on devine qu’elle a quelques exemples bien précis en tête.

En première ronde, la Québécoise avait l’avantage face à la Danoise Laerke Olsen qu’elle avait vaincue à leurs trois derniers affrontements.

« Elle était bien préparée et elle bloquait toutes mes attaques. Mes techniques habituelles ne fonctionnaient pas. Je me souviens m’être mise à paniquer un peu dans ce combat-là. Sasha (Mehmedovic, son entraîneur) était sur la chaise et il m’a vue un peu paniquer et m’a dit de continuer et de relaxer. C’est ce que j’ai fait. J’ai juste continué et j’ai fini par la faire tomber. »

L’athlète a fait le point avec son entraîneur après l’affrontement. « Je pense que cette conversation-là a été cruciale pour le reste de la journée parce que nous avons remis les points sur les i. Le combat est passé, tu as cassé la glace et tu es rendue au prochain. Pas besoin de paniquer, continue et applique ton plan. »

Au tour suivant Beauchemin-Pinard affrontait l’Autrichienne Magdalena Krssakova, contre qui elle avait perdu lors de leur dernier duel. Mais sur les tatamis olympiques, la Québécoise n’a eu besoin que d’une trentaine de secondes pour la vaincre. Sa seule défaite du jour surviendra en demi-finale contre l’éventuelle médaillée d’or, la Française Clarisse Agbegnenou.

La combattante n’était pas seule dans son parcours vers la troisième marche du podium. Antoine Valois-Fortier était en action la même journée qu’elle et avait été éliminé plus tôt, sauf qu’il était demeuré dans les estrades clairsemées du Nippon Budokan pour crier ses encouragements à sa coéquipière.

« C’était vraiment drôle. Il était là pour me supporter  et ça m’a vraiment touchée qu’il soit resté toute la journée. »

Un an plus tard, aux Championnats du monde, Valois-Fortier continuait à l’encourager, mais cette fois dans la chaise de l’entraîneur. Celui qui a pris sa retraite en décembre 2021 la dirige en compétition et la conseille aussi à l’extérieur des tatamis.

« Je pense que nous faisons une bonne équipe. Je me tourne beaucoup vers lui en raison de son expérience des dernières années et comment il gérait ça. »

Toutes les cases sont maintenant cochées sur sa liste sportive et si tout se déroule comme prévu, elle décrochera son baccalauréat en sciences comptables à l’UQAM le mois prochain. Son équilibre entre le sport et les études lui garde les deux pieds sur terre et elle compte bien conserver cette recette avec le diplôme d’études supérieures en fiscalité qu’elle entreprendra dans les mois à venir. Une fois qu’elle aura accroché son judogi, ce sera le titre de comptable professionnelle agréée qu’elle visera.

Après les Jeux de Tokyo, elle avait mentionné qu’elle voulait continuer pour être médaillée aux Championnats du monde. Maintenant, elle avoue qu’elle commence à se faire prendre au jeu à l’idée de poursuivre jusqu’à Paris.

« Je suis confortable dans ma catégorie de poids et suis en train de me dire : “hein, ça va avoir l’air de quoi en 2024 ?… Ça pourrait faire quelque chose de bien !” […] Autant je ne veux pas me mettre de pression, ce serait vraiment mes derniers Jeux cette fois-ci et j’y vais pour m’amuser. Je vois les noms qui apparaissent au classement et je suis à ma place. »

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