2 Août - 2016 | par Émilie Bouchard Labonté

Jeux olympiques

Je ne vais pas à Rio

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Montréal, 2 août 2016 – Dans quelques jours, les yeux du monde entier seront rivés sur Rio de Janeiro, prêts à être éblouis par les performances de l’élite mondiale, alors que débuteront les Jeux olympiques d’été de 2016. C’est l’occasion pour certains de mettre la main sur l’une de ces précieuses médailles ou encore de simplement représenter leurs pays avec fierté. Toutefois, tous ne réaliseront pas leur plus grand rêve le 5 août prochain. Certains regarderont leurs compatriotes sur leur téléviseur à la maison ou du haut des gradins.

Alors qu’une poignée d’athlètes pourront se dire Olympiens à la fin du mois d’août, un plus grand nombre encore se sont retrouvés devant la triste réalité d’avoir raté leur qualification.

Prévention plutôt que réaction

Sophie Brassard, préparatrice en carrière sportive à la Fondation de l’athlète excellence du Québec (FAEQ), connait bien la réalité et l’envers du décor de ce que vivent les athlètes qui ne réalisent pas leurs rêves olympiques. Elle travaille avec les athlètes de la Fondation, afin de les aider à tracer un chemin qui leur convient.

Pour mieux préparer un athlète à cette épreuve, le travail commence par la sensibilisation auprès des fédérations et des entraîneurs sur l’importance d’avoir une vie équilibrée.

« Avant, la mentalité était d’isoler l’athlète le plus possible pour qu’il performe bien. Maintenant, on réalise que moins l’athlète sera stressé, mieux sa vie sera balancée et mieux il va performer. Si ton athlète est sur le bord de la piscine, que ses parents sont en instance de divorce et qu’il vient d’échouer trois cours, il va moins bien performer que s’il sait qu’il a quelqu’un derrière lui et que ces choses sont prises en charge. »

Il est aussi important que les athlètes aient un plan B, advenant que leur qualification ne se passe pas comme prévu.

Sophie Brassard donne comme exemple la kayakiste Émilie Fournel, qui participera finalement à ses troisièmes Jeux olympiques cet été. Sa qualification n’a pas été de tout repos. Elle  avait cependant un stress en moins lors de son processus de sélection, elle était préparée à un futur différent de celui qu’elle envisageait au départ.

« Ça fait longtemps qu’on lui dit de rester à l’école et qu’on lui fait faire des conférences avec nos partenaires. Son plan était prêt. Il serait juste arrivé plus tôt que prévu si le résultat de sa qualification avait été différent », explique la conseillère en orientation.

Le choc, le deuil, la remise en question

Le processus de sélection des athlètes au sein de l’équipe olympique était également une épreuve pour Sophie Brassard qui était vite au courant lorsqu’une qualification olympique prenait fin. Comment ? Elle n’avait qu’à ouvrir son ordinateur.

« Je peux voir qui est qualifié ou non pour les Jeux en regardant ma boîte de courriel le lundi matin. C’est une bonne nouvelle parce qu’avant, c’est moi qui devait aborder les athlètes pour leur dire quels services ils ont droits dépendamment de leur situation. Maintenant, il y a des pancartes explicatives et le bouche-à-oreille entre les athlètes est vraiment fort. Ils sont plus à l’aise d’en parler entre eux. »

Une fois prévenue, la préparatrice en carrière sportive tente d’abord d’évaluer ce que représentait la qualification olympique pour les athlètes qu’elle aide. Quel était leur objectif dans tout ça ? Certains visaient déjà la plus haute marche du podium olympique, alors que d’autres étaient déjà très fiers de participer aux sélections.

« C’est sûr qu’il y en a qui sont très, très déçus. D’autres le sont aussi, mais sont fiers de leur résultat parce qu’ils ont tout donné et n’auraient pu faire mieux.

C’est le cas du taekwondoïste Marc-André Bergeron qui a vu son adversaire l’emporter par un seul point lors de la qualification olympique panaméricaine en mars dernier. « J’ai l’impression que j’ai tout donné, tout essayé. Il n’y avait rien que je n’avais pas fait pour me préparer. »

Un autre facteur alourdit le deuil de certains : la sélection selon un choix discrétionnaire. « Quand tu as perdu un match, tu as perdu le match. Quand c’est un juge qui donne la note, ou que c’est ta fédération qui décide de t’envoyer, il y a parfois plus de ressentiment. C’est un peu plus difficile à accepter parce que tu ne te bases pas sur quelque chose de concret. C’est le jugement d’une personne qui m’a fait rater 20 ans de ma vie. Dans ce temps-là, c’est moins facile de rationaliser l’athlète. »

Pour Marie-Lou Morin, capitaine de l’équipe canadienne de nage synchronisée, le fait d’avoir échappé le laissez-passer par équipe pour Rio de seulement 0,7139 point, a été un choc très difficile à accepter. « Ce sont les hauts et les bas de la synchro, un sport jugé et politique. »

Bien que cela puisse surprendre, il y a un réel processus de deuil pour les athlètes dont l’objectif ne s’est pas réalisé. Il est alors important d’être bien préparé pour pouvoir éventuellement s’accrocher à d’autres objectifs.

« Tu peux être le plus prêt possible à un deuil, c’est difficile quand même. Il faut prendre le temps de vivre son deuil. Des athlètes vont passer passer par toute une gamme d’émotions : tristesse, colère et nostalgie par moment. »

C’est ce qu’a vécu la joueuse de soccer Gabrielle Carle lorsqu’elle a appris qu’elle ne foulera pas le terrain à Rio avec l’équipe canadienne, mais qu’elle sera présente dans les gradins comme réserviste. « J’étais réaliste, mais tu ne peux jamais te préparer à ce choc émotionnel. […] Il y a plusieurs façons de voir les choses. C’est ton choix de le faire de façon positive pour bénéficier le plus de ces “échecs” et ne pas s’écraser pour être le plus positif et en sortir plus fort. »

Au moment du choc, tant la famille que les entraîneurs et le personnel qui entourent l’athlète occupent un rôle important dans ce cheminement vers l’acceptation. Et il y a autant de réactions différentes face à l’échec qu’il y a d’individus. « D’un côté, il y avait mes parents qui me disaient que ça allait bien aller et de l’autre, mon entraîneur qui me disait que je devais passer par-dessus », explique pour sa part Jade Dusablon, nageuse en eau libre.

Comment affronter l’inconnu?

« Souvent leur peur, c’est de sortir de mon bureau et de ne pas savoir quoi faire. »

Sophie Brassard ne travaille pas seulement en préparation, elle joue aussi un rôle important auprès des nouveaux retraités. «Ce n’est pas vrai qu’ils seront tous physiothérapeutes. Certains connaissent plus ces domaines, mais d’autres prennent leur retraite et ne veulent plus rien savoir de leur sport. Il y a plus souvent de gens qui veulent explorer autre chose qu’il y en a qui veulent rester impliqué à 100 % dans leur sport. »

Avec les années, Mme Brassard voit de plus en plus d’athlètes prêts à affronter cette nouvelle étape. Toutefois, bien que préparé, il n’en demeure pas moins que certains ressentent un vide ou ont peur de l’inconnu, de ne plus savoir comment se définir ou comment occuper leur temps.

« Une athlète m’a expliqué que toute sa vie lors des interviews elle avait son nom et un titre. Mais qu’elle n’a plus rien maintenant en bas de son nom. C’est plus ça qui est paniquant pour eux. C’est de calmer l’urgence parce que ce n’est pas en une heure que nous allons définir ce titre et il peut prendre plusieurs formes. »

« C’est la prise de décision aussi, parce que les athlètes n’en prennent pas beaucoup. Ils sont pris en charge dès un jeune âge. Parfois, une non-qualification olympique peut précipiter les choses et tu dois prendre une des décisions les plus importantes de ta vie : est-ce que je continue ma carrière ou pas et si la réponse est non, qui je suis? »

Écartée de l’équipe nationale de basketball en fauteuil roulant pour les Jeux paralympiques de Rio, Élaine Allard poursuit sa réflexion. « Serais-je de retour à l’automne au sein du programme national ? Je ne sais pas encore. »

Au moment de la retraite, l’entourage de l’athlète est vraiment important dans le déroulement du processus. Mme Brassard souligne que parfois, c’est la famille qui n’accepte pas cette nouvelle identité ou même encore, les médias. Ces derniers ont aussi un impact sur la retraite des athlètes.

« Certains se retraitaient de façon volontaire et ils étaient super confiants, mais les médias leur disait que c’était bien triste, qu’ils étaient au meilleur de leur forme et à l’apogée de leur carrière, et cela les faisait crasher. Un exemple : c’est comme si Carey Price disait qu’il laissait tomber le hockey et qu’il voulait être comptable. Ça ne fonctionnerait pas, il faudrait qu’il déménage! »

À lire aussi :

Élaine Allard – Laissée de côté
Gabriel Beauchesne-Sévigny – Au delà des résultats
Marc-André Bergeron – L’intensité du moment
Gabrielle Carle – À l’ombre du stade
Jade Dusablon – Le lac Saint-Jean au lieu de Copacabana
Marie-Lou Morin – Partir pour mieux revenir
Caroline Veyre – Un jab en plein visage

Rédaction: Émilie Bouchard Labonté, Audrey Clément-Robert et Alexandra Piché

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